Après la guerre, l'industrialisation du pays attire un nombre croissant d'étrangers à la recherche d'un emploi. C'est une étape décisive des flux migratoires qui ont alimenté l'économie de notre pays, laquelle se confond avec l'histoire coloniale française.
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Dès la Libération, un contexte nouveau se dessine : le Conseil National de la Résistance est favorable à l'arrivée des étrangers. L'opinion publique s'estime redevable à leur égard. Quant aux industriels, ils manquent désespérément de bras. Politiques et économistes s'accordent sur la nécessité de faire appel à un million et demi d'immigrants, dont on planifie l'arrivée sur cinq ans. Le principe est posé que l'Etat doit désormais avoir la maîtrise d'une politique globale d'immigration et qu'on ne saurait laisser au secteur privé les marges de manœuvre dont il a pu bénéficier dans l'entre-deux guerre. Deux organismes sont créés à cet effet : le Haut comité de la population et de la famille, d'une part, et le Secrétariat général à la famille et à la population d'autre part. L'ordonnance du 19 octobre 1945 définit les conditions d'accès à la nationalité française : droit du sol sur fond de droit du sang. L'ordonnance du 2 novembre 1945, quant à elle, définit les conditions d'entrée et de séjour en France avec une innovation : la dissociation de la carte de séjour et de la carte de travail. Cette mesure a pour but d'éviter le refoulement massif des étrangers, en cas de crise économique, comme dans les années 1930.
Création de l'Office national d'immigration
L'Office national d'immigration (ONI), créé en 1945, prend le relais de la Société générale d'immigration d'avant-guerre, sur un principe nouveau : l'Etat doit désormais posséder le monopole de l'introduction de la main-d'œuvre étrangère dans le pays ; rédaction des contrats, acheminement des migrants, contrôle sanitaire. Mais l'ONI édicte des règles complexes et contraignantes, car il relève de la compétence de trois ministères à la fois, le ministère du Travail, ceux de l'Intérieur et de l'Agriculture. Les employeurs seront donc rapidement tentés de s'en affranchir. En effet, l'objectif des industriels est de pourvoir disposer d'une main-d'œuvre très abondante le plus vite possible, avec le maximum de souplesse. Aussi mettront-ils en place des circuits clandestins de recrutement de travailleurs, en particulier en provenance d'Algérie. Le système de la « noria » se met en marche : les hommes viennent, repartent, se remplacent continuellement. Un lien est ainsi maintenu avec les familles qui reçoivent des fonds, préservant les employeurs des risques de tensions sociales. Tous les partenaires tirent donc profit de la situation. Côté statistiques, on dénombre, entre 1947 et 1953, 740 000 arrivées en métropole et 561 000 retours en Algérie.
La prédominance de l'immigration algérienne
Depuis 1945, l'immigration en France reste un phénomène marginal. La guerre d'Algérie, qui débute en 1954, changera la donne. Le ministère de l'Intérieur, en 1962, livre le chiffre de 436 000 immigrés algériens et il est généralement admis que celui-ci a doublé pendant la période de la guerre. Mais il faudra distinguer plusieurs périodes clés :
- Entre 1946 et 1954, la population étrangère en France n'a, pour ainsi dire, pas augmenté. Le nombre de Belges, Polonais et Espagnols est en léger recul. 50 000 Italiens s'installent, guère plus. La principale source d'immigration est l'Algérie. Le nombre d'immigrés algériens est multiplié par dix durant cette période et passe ainsi de 22 000 à 210 000.
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- À partir de 1954, la guerre d'Algérie voit ces tendances s'articuler différemment. Certes, les violences et les déplacements de population entraînent un afflux massif vers la France. Mais, proportionnellement, l'augmentation du flux migratoire relativise la présence des Algériens, qui passent de 350 000 à 800 000 personnes entre 1962 et 1982. La relance économique des « trente glorieuses » diversifie la provenance des populations étrangères installées en France. Jusqu'en 1962, les Italiens sont les étrangers les plus nombreux, avec près de 629 000 individus. La péninsule ibérique apporte bientôt à la France des forces vives considérables : les Espagnols et surtout les Portugais. Ces derniers forment le groupe qui a connu le plus fort taux d'accroissement entre 1962 et 1982 : de 90 000 à 760 000 personnes.
Statuts et aides aux travailleurs migrants
Les années 1960 constituent un moment important de l'histoire de l'immigration car c'est à cette période que les plus gros changements interviennent dans le statut juridique des immigrés. Le droit d'asile, voté à l'ONU en 1951, offre un véritable statut aux réfugiés politiques. De son côté, le traité de Rome, en 1957, initiant la construction européenne, marque le début d'une égalisation progressive des droits entre les « nationaux » et les ressortissants des membres de l'Union. Parallèlement, on met en place des structures d'accueil et d'aide à destination des Français musulmans d'Algérie, puis des immigrants algériens. Deux organismes perdurent et évoluent : la Sonacotral et le FAS, créés pour résorber les bidonvilles issus d'une immigration algérienne de plus en plus familiale.
Ces mesures d'action sociale ont constitué la conséquence majeure de la guerre d'Algérie : en 1964, l'exception algérienne (régime spécial) s'est maintenue, mais l'action sociale a été étendue à tous les étrangers avec l'extension des attributions de la Sonacotral qui devient en 1963 la Sonacotra. La Société nationale des constructions pour les travailleurs algériens, créée en 1956, avait pour objectif le financement, la construction, l'aménagement de locaux d'habitation destinés aux Français musulmans originaires d'Algérie. Quant au Fonds d'action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie (FAS), devenu aujourd'hui le Fonds d'Action et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations (FASILD), il répartit son intervention de part et d'autre de la Méditerranée à raison d'un tiers en métropole et de deux tiers en Algérie. Depuis sa création, le FASILD joue un rôle essentiel dans le soutien des foyers de travailleurs migrants, sous forme d'aide financière à la gestion, mais également à l'accompagnement social des résidents.