Démocratie : le pouvoir du peuple, par le peuple


Publié le 15/10/2012 • Modifié le 15/04/2022

Temps de lecture : 2 min.

Écrit par Édith Fuchs

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L’antiquité athénienne inventa le terme, et la notion corrélative de citoyenneté, dans une forme sociale reposant sur l’esclavage, de sorte que seuls des hommes, et non des femmes, « libres », c’est à dire non-esclaves, pouvaient être citoyens. En revanche, l’idéal démocratique moderne fut, quant à lui, conçu en s’opposant à l’idée que le pouvoir vient de Dieu – ce que dit la monarchie de droit divin ; mais aussi à l’idée qu’il se fonde sur le lignage – ce que croit la noblesse. On peut préciser que l’idée de situer la source d’où vient le pouvoir politique dans le peuple s’oppose à quantité de croyances et quantité de pratiques : par exemple à la conviction que le pouvoir tient sa légitimité de la supériorité des armes (prétendu droit de conquête ; pouvoir « au bout des fusils ») – ou bien de la puissance des plus riches, qui leur octroierait « tous les droits ».

jean-jacques rousseau
Jean-Jacques Rousseau

 

Qu'est ce que la « voix du peuple » ?

Toutefois, suffit-il à la démocratie que « la voix du peuple » soit « sacrée », pour reprendre la maxime romaine « vox populi, vox dei » ? L’histoire montre que des faiseurs de coup d’état sont plébiscités après avoir confisqué le pouvoir pour instaurer despotisme ou dictature; ce fut le cas de Napoléon III qui instaura le régime despotique du second Empire après son coup d’état de 1851. Il convient en outre de préciser que, si c’est bien la « voix du peuple » qui est seule source légitime du pouvoir politique en démocratie, cette voix toutefois ne dicte rien en matière économique et financière. La conception moderne de l’existence civile démocratique, telle qu’élaborée aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, postule l’autonomie du politique par rapport à tous les autres registres de l’existence publique – et en particulier non seulement celui des pratiques et autorités religieuses, mais aussi celui du domaine économique. Ainsi faut-il souligner qu’une économie régie par la libre concurrence sans freins n’est aucunement liée par nature à la démocratie. La remarque que fait dès le livre I de son Contrat Social conserve toute sa pertinence : « Dans le fait, les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien : d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes qu’autant qu’ils ont tous quelque chose, et qu’aucun d’eux n’a rien de trop »1. Elaborant les principes de toute société démocratique, Rousseau repousse dans une note ce qui tient à la question des richesses et se contente de souligner qu’il convient à la citoyenneté que nul ne soit pauvre, au point de ne se soucier que de sa survie – ni trop riche, au point de vouloir « acheter » les autres. Il faut insister : autonomie du politique veut bien dire que c’est l’autorité publique qui organise les affaires communes – ni la religion et ses différentes églises (ce qui est le cas des théocraties) – ni l’économie et la finance (ce qui est le cas des oligarchies). On voit donc l’importance de commencer, comme il est tenté ici, par ne pas quitter le plan des définitions et des principes parce qu’on ne peut juger des faits historiques passés et présents sans conceptions claires.

Rousseau et le « pouvoir du peuple »

Rousseau, le premier sans doute, a bien vu qu’il fallait que « pouvoir du peuple » signifie, non seulement que seul le peuple soit source légitime du pouvoir, mais que de surcroît, il soit seul habilité à exercer ce pouvoir. R. Derathé2 souligne que « si Rousseau s’était borné à affirmer que la souveraineté résidait originairement dans le peuple il n’aurait rien dit de plus que (...) même Hobbes », défenseur, lui, de la monarchie absolutiste – et de citer le De Cive (chap. VII § II) : « La monarchie, de même que l’aristocratie, tire son origine de la puissance du peuple, lequel transfère son droit, c’est à dire la souveraineté, à un seul homme ». Ce qui, au contraire, « fait époque », comme l’écrit Derathé de Rousseau, c’est l’affirmation du caractère « inaliénable » de la souveraineté populaire : s’il n’y a pas d’autre souverain que le peuple, ce dernier doit exercer lui-même la souveraineté.

Dès lors, on voit bien la série de difficultés qu’entraîne l’idée de démocratie comme pouvoir du peuple par le peuple : comment entendre la voix du peuple ? Comment le peuple peut-il exercer le pouvoir ? Qui est le « peuple » ?


1Du Contrat Social ou Principes du Droit politique, Paris, Garnier, 1960, p. 249 (Livre I note 1).
2 Robert Derathé, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Paris, Vrin, 1995, p. 49

 


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