En 1952, Henri Matisse achève à Nice sa dernière œuvre, La Tristesse du roi. Il s’y représente par une forme de couleur noire, pour lui « une couleur de lumière » et non d’obscurité, autour de laquelle s’agence d’autres formes et figures simplifiées, aux tons purs : celle de couleur blanche représentant une femme dansant, des ovales jaunes en forme de pétales comme une ode à la musique, une odalisque verte symbole de la beauté arabesque.
Henri Matisse. Danseuse créole, Nice, 1950.
Papiers gouachés découpés, marouflés sur toile,
205 x 120 cm. Musée Matisse, Nice.
Don d’Henri Matisse, 1953.
Photo : François Fernandez. © Succession H. Matisse
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À travers ses thèmes de prédilection, l’œuvre rayonne autour d’un équilibre des formes et des couleurs. Depuis son tableau postimpressionniste peint en 1904, Luxe, calme et volupté, Matisse travaille à cet équilibre pour que ses tableaux arrivent à l’éclat simple du bonheur et de la beauté. S’il abandonne vite la technique de la division de la couleur qui caractérise Luxe, calme et volupté, il garde cette préoccupation de la couleur et des formes dès La Joie de vivre peinte entre fin 1905 et début 1906. Les couleurs vives et pures sont cette fois-ci posées en aplats, les courbes des corps en ressortent bien délimitées. Matisse est alors toujours installé à Paris, mais c’est dans le sud qu’il se confronte à la lumière et à la couleur : il passe l’été 1904 à peindre à Saint-Tropez, l’été 1905 à peindre à Collioure en compagnie de Derain dans « l’ivresse des couleurs ». Dans ces années du mouvement fauviste qui suivent le Salon d’automne de 1905, Matisse installe la couleur comme point de départ de l’équilibre des formes, tournant définitivement le dos à l’approche classique qui est de dessiner le contour de l’objet ou du sujet avant d’y mettre la couleur.
L’esthétisme de l’œuvre de Matisse, qui est né et a passé sa jeunesse dans le nord de la France, s’est forgé dans les paysages de lumière et de couleur : le sud de la France, l’Algérie et le Maroc, et Tahiti où « la lumière du Pacifique est un gobelet d'or profond dans lequel on regarde ». En octobre 1953, un an avant sa mort le 3 novembre 1954, Matisse avait accordé une interview à l’historienne médiéviste Régine Pernoud où il définissait sa vision de l’artiste : « Tout ce que nous voyons, dans la vie courante, subit plus ou moins la déformation qu'engendrent les habitudes acquises … L'effort nécessaire pour s'en dégager exige une sorte de courage ; et ce courage est indispensable à l'artiste qui doit voir toutes choses comme s'il les voyait pour la première fois : il faut voir toute la vie comme lorsqu'on était enfant ».
Crédits du bandeau
Henri Matisse. Photo de Carl Van Vechten, 1933, source Library of Congress, USA.
Musée Matisse, Nice. Salle des papiers gouachés découpés. © Succession H. Matisse pour les œuvres de l'artiste. Crédit photographique : Ville de Nice - Musée Matisse/N. Lavarenne.