La voix d'un peuple
Dès son premier recueil de poèmes, Cahier d'un retour au pays natal (1939), devenu un classique de la littérature mondiale, Aimé Césaire cisèle la révolte du peuple noir, sa dignité millénaire et sa place dans la mémoire de l’homme.
« J'habite une blessure sacrée
j'habite des ancêtres imaginaires
j'habite un vouloir obscur
j'habite un long silence
j'habite une soif irrémédiable... »
A.Césaire, Moi Laminaire
Avec six autres recueils, ils constituent l’essentiel de son œuvre poétique, par ailleurs dispersée dans plusieurs publications :
- Les Armes miraculeuses 1946
- Soleil cou coupé 1948
- Corps perdu 1950, repris dans Cadastre 1961
- Ferrements 1960
- Moi laminaire 1982
Un « grand poète noir »
En 1947, André Breton préface la réédition Cahier d'un retour au pays natal et reconnaît en Césaire un « grand poète noir ». Ce poème en vers libres, de 65 pages, rédigé en 1938-1939, est un long cri de révolte et d’éveil, un récit invocatoire, appelant le peuple noir à se réapproprier son passé et réinventer sa destinée. André Breton veut reconnaître en Aimé Césaire un frère dans le surréalisme, misant sur la capacité magique de la parole à créer et recréer le monde.
La poésie française revisitée
Maîtrisant parfaitement la langue française et imprégné des poètes de son temps, Aimé Césaire dynamite son érudition par le choix des mots, une syntaxe désarticulée, des effets de sonorité.
- Au commencement de Cahier d’un retour au pays natal : « Va-t’en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t’en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance…”
- Le rapprochement rythmique de mots scandés dans Soleil cou, coupé : « Soleil serpent œil fascinant mon œil, et la mer pouilleuse d'îles craquant aux doigts des roses, lance-flamme et mon corps intact de foudroyé… »
- Les variations sur le fer dans Ferrements : les « ferments » de la révolte, le « faire » dire de la parole, les « fers » des l’esclavage …
Pour Césaire, l’exploration par les mots est « la tête chercheuse de la poésie ». Sa poésie est une œuvre rare, portée par son cri premier d’une reconquête identitaire.