Une décennie d’écriture théâtrale
Le théâtre prend une place majeure dans l’écriture d’Aimé Césaire, le temps d’une décennie. Sa première pièce Et les chiens se taisaient est l’adaptation d’un poème dramatique publié initialement dans Les Armes miraculeuses. Entre la fin des années 50 et la fin des années 60, Aimé Césaire écrit quatre pièces. Toutes connaissent un succès mondial. Son metteur en scène fétiche est Jean-Marie Serreau, défenseur d’un théâtre vivant, avant-gardiste ayant mis en scène Beckett, Genet, Ionesco et Kateb Yacine.
Tragédie du pouvoir et émancipation du noir
Ses pièces ont pour ressort la tragédie du pouvoir et/ou l’émancipation du noir. Comme ses poèmes, elles trouvent leur source à la confluence des cultures occidentales, africaines et caribéennes.
- Et les chiens se taisaient -1958 : Un esclave, révolté et révolutionnaire, assassine son maître et appelle son peuple au soulèvement
- La Tragédie du roi Christophe -1963 : Inspirée de l’histoire de la dérive vers l’absolutisme et le despotisme de Henri Christophe après l’indépendance de Haïti en 1811
- Une saison au Congo -1966 : Evocation de l’indépendance du Congo belge et l’assassinat de Patrice Lumumba ; allégorie de l’idéal révolutionnaire du chef politique confronté aux manœuvres des notables et à l’indifférence des masses.
- Une Tempête - 1969 : Césaire retravaille la pièce de Shakespeare « pour un théâtre nègre ». Prospero, le maître, est blanc. Caliban, l’esclave, est noir. Ariel l’enchanteur est un esclave mulâtre.
Le succès de la Tragédie du roi Christophe
Donnée pour la première fois au festival de Salzbourg en 1964, dans une mise en scène de , elle a un succès immédiat et international, jouée à Berlin, Bruxelles, au Festival mondial des Arts nègres à Dakar,… Pièce souvent reprise, elle entre au répertoire de la Comédie Française en 1991.
Le sort d’un homme, Henri Christophe, qui se voulut roi dans un pays stigmatisé par son passé colonial - résonne fortement dans une époque traversée par les mouvements de décolonisation. Le lyrisme cohabite avec la farce et l’émotion dramatique :
- Dans le prologue, Christophe est affublé de titres dérisoires : « Duc de Trou bonbon, Duc de la limonade, Duc de la Marmelade… »
- « Christophe ne demande pas trop aux hommes … pourvu qu’un jour on ne mesure pas au malheur des enfants la démesure du père. »