L’Escamotage d’une dame chez Robert Houdin
Venu du monde de la prestidigitation, Georges Méliès voit dans l’apparition du cinéma, une technique et un art pour poursuivre ses spectacles de magie et leur donner une nouvelle dimension : « Les conceptions fantaisistes, comiques ou fantastiques, voire artistiques, qui se pressaient en foule dans mon imagination, trouvaient, grâce à lui, le moyen de se réaliser ».
Sans le savoir, il crée les premiers effets spéciaux de l’histoire du cinéma. Le « cut caméra » d’aujourd’hui reprend le procédé du premier film à truc de l’histoire du cinéma : L’Escamotage d’une dame chez Robert Houdin où la disparition/apparition du personnage se réalise en « cut caméra ». Dans ce film, le trucage par arrêt de la caméra ou « cut caméra » permet à Méliès d'enlever la contrainte technique et physique de l'escamotage qui consistait à recouvrir d’un châle la dame assise, puis la faire glisser dans une trappe située sous la chaise : il suffit d'arrêter la caméra une fois la femme couverte, de la faire sortir de scène et de reprendre l’enregistrement caméra.
De même la technique actuelle de l’incrustation a son origine chez Méliès avec son trucage par surimpression sur la pellicule. Utilisé dès 1898, dans L’Homme orchestre et Un homme de têtes, sa technique atteint un sommet de minutie dans Le Mélomane (1903) où un maître de chant loufoque « déseptuple » sa tête d’une manière stupéfiante. Afin de représenter chaque note de musique sur la partition par sa tête, il reproduit sa tête sept fois, nécessitant le passage à sept reprises de la même bobine dans la caméra. A l’époque, on parle de « réserve au noir » ; la pellicule argentique reste noire si les sels d’argent ne reçoivent pas de lumière. Méliès utilise la réserve dans le noir des sels d'argent pour réaliser une surimpression. Aujourd’hui, à l’ère des effets numériques, le principe reste le même : l’incrustation est un effet spécial, consistant à intégrer dans une même image des objets filmés séparément. Les effets spéciaux sont conçus au tournage et se poursuivent au montage : couper/coller pour raccorder les plans dans le mouvement. Ils donnent l’impression de réalité à des démultiplications de têtes, des métamorphoses (Barbe Bleue, 1901) à la dilation d’un visage (L’Homme à la tête de caoutchouc, 1901) ou disparition/apparition d’objets et personnages (Le Locataire diabolique, 1909).
Nés avec Méliès, les films à effets spéciaux jalonnent l’histoire du cinéma : King Kong en 1933, 2001, l’odyssée de l’espace en 1968, La Guerre des étoiles en 1977, Jurassic Park en 1993, Avatar en 2009, etc.