La grande terreur stalinienne

Le 2 mars 1938, dans un tribunal de Moscou, 21 hauts dirigeants soviétiques se tiennent sur le banc des accusés. Au terme d’une audience spectaculaire, le verdict est sans appel :  18 d’entre eux sont condamnés à mort. Ce procès retentissant est le point d’orgue des grandes purges, une répression sanglante orchestrée par Joseph Staline à travers toute l’URSS.

Pourquoi Staline met-il en place les grandes purges ?

En 1924, après une féroce lutte de pouvoir, Joseph Staline accède au sommet de l’Etat et installe un régime totalitaire en URSS. Pour instaurer son économie socialiste et moderniser le pays, il lance en 1929 une politique de collectivisation forcée des terres. Les paysans qui refusent de collaborer sont envoyés dans des camps de travail ou exécutés. Les récoltes sont confisquées au profit des villes ou exportées.  En 1932, une grande famine s’abat sur les campagnes, privées de leurs moissons. Près de 5 millions de personnes sont tuées. C'est l'holodomor, l'extermination par la faim.

Le 1^er décembre 1934, Sergueï Kirov, haut dignitaire soviétique et proche de Staline, est mystérieusement assassiné. Le dictateur tient là le prétexte pour s’assurer un pouvoir absolu : il met en place les « grandes purges » : une politique de répression massive dirigée contre les ennemis supposés du régime. Pendant quatre ans, des centaines de milliers de personnes sont assassinées ou déportées au goulag, des camps de travail où beaucoup meurent d’épuisement…
A l’été 1937, la répression s’intensifie : par un ordre secret, Staline ordonne de supprimer tous les « éléments antisoviétiques et socialement dangereux ». Dès lors, une épuration méthodique est menée par le NKVD, la police politique du régime. C’est la Grande Terreur.  Personne n’est à l’abri : cadres du parti, dignitaires bolcheviks et officiers de l’Armée rouge… L’épuration s’étend même aux citoyens ordinaires qui sont massivement exécutés et déportés.

Procès truqués comme arme de propagande stalinienne

Les grandes purges se manifestent également par une série de retentissants procès truqués. Entre 1936 et 1938, la capitale de l’URSS est le théâtre de trois grands procès publics successifs : les procès de Moscou. Plusieurs dizaines de dignitaires du régime et de nombreux officiers de l’armée rouge comparaissent pour trahison, assassinat, espionnage ou terrorisme. Mais ces procès sont une mise en scène : les crimes sont imaginaires, les preuves fabriquées de toutes pièces et les aveux arrachés par le chantage ou la torture. Les accusés n’ont pas le droit à un avocat et la sentence est presque toujours la mort.

Véritable opération de propagande, ces mascarades judiciaires sont rythmées par de fausses manifestations, où la foule réclame la tête des accusés. Fortement médiatisés, les débats sont filmés et retranscrits dans la presse soviétique et étrangère. Par ces procès spectaculaires et les centaines d’autres qui se tiennent dans toute l’URSS, Staline veut anéantir toute menace d’opposition.

La Grande Terreur passée sous silence jusqu'à la fin de l'URSS

Le 17 novembre 1938, Staline ordonne soudainement la fin de la Grande Terreur. En à peine dix ans, le dictateur a mis l’URSS à sa main et balayé le pays de tout opposant. Mais il en paye bientôt les premières conséquences : l’Armée rouge, dont le haut-commandement a été décimé par les purges, est désorganisée. En juin 1941, elle subit de plein fouet l'invasion nazie.
La grande terreur - le plus grand massacre d’Etat jamais perpétré en Europe en temps de paix - a longtemps été passée sous silence. La mort de Staline, le 5 mars 1953, n’y change rien. Pas plus que le rapport de Nikita Khrouchtchev qui, en 1956, dénonce les dérives totalitaires de son prédécesseur mais reste muet sur la répression qui visait les citoyens ordinaires.

► Ce n’est qu’en 1992, après la dislocation de l’URSS, que l’ouverture des archives révèle l’ampleur de la grande terreur stalinienne. Le bilan humain est difficile à établir, mais on considère aujourd’hui qu’environ 750 000 personnes auraient été exécutées et plus d’un million déporté au goulag.

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