C’est sans doute de la nécessité de garder des traces d'échanges commerciales qu’est née l’écriture. L’Egypte invente les hiéroglyphes, la Mésopotamie, l’écriture cunéiforme. Vers 1500 av. J.-C., à Ougarit, l’écriture cunéiforme est réduite à trente signes. Ce nouveau système d’écriture, remarquable par sa simplicité, est révolutionnaire : c’est l’alphabet.
Dans une région très proche et pratiquement de la même époque, les Phéniciens utilisent une écriture alphabétique, à l’origine de la plupart des alphabets utilisés par les peuples de la Méditerranée. Ces derniers, en contact avec les Phéniciens, grands marins et commerçants ont utilisé l’alphabet et l’ont adapté aux besoins de leurs langues.
L’araméen, langue courante de l’ancien Orient, se présente à l’époque hellénistique sous forme de nombreux dialectes comme le palmyrénien ou le nabatéen, dont l’alphabet est sans doute, avec celui du syriaque, à l’origine de l’alphabet arabe.
Les tablettes cunéiformes de Mésopotamie
C’est en Mésopotamie, correspondant à l’actuelle Irak, qu’apparaît l’écriture, vers l’an 3000 avant notre ère : pour la première fois, un système organisé de logogrammes (des dessins correspondant à une notion ou à une suite phonique constitué par un mot) et de phonogrammes (signes graphiques représentant un son) permet de reproduire la pensée.
C'est avec une tige de roseau taillée, le calame, que les Mésopotamiens gravent des symboles cunéiformes (en forme de clous) dans des tablettes d’argile encore fraîche. Ces tablettes sont dans un premier temps, utilisées principalement pour l’administration. Toutefois, à côté des registres de comptes et des contrats commerciaux, apparaissent peu à peu des textes plus ambitieux : vers 1700 avant Jésus-Christ est ainsi rédigée l’Épopée de Gilgamesh, la plus ancienne œuvre littéraire que nous connaissions. Ce récit, qui retrace la vie d’un roi de légende, est gravé sur pas moins de onze tablettes.
L'Egypte et le papyrus
Les Egyptiens inventent bientôt un support plus pratique : le papyrus, qui apparaît vers l’an 2000 avant notre ère. Le papyrus est obtenu grâce à l’assemblage de fines lamelles découpées dans la tige des roseaux. Elles sont humidifiées et disposées perpendiculairement les unes aux autres.
Les morceaux ainsi constitués peuvent être assemblés et former ainsi d’important rouleaux (le plus grand papyrus connu, le papyrus Harris mesure près de 41 mètres, il recense les donations au temple et raconte les règnes des pharaons Ramsès III et Sethnakht). C’est sur ces fines feuilles que les scribes dessinent les sacrés à l’aide d’un calame trempé dans de l’encre. Cependant, dans les faits les scribes utilisaient surtout l’écriture hiératique, hiéroglyphes simplifiés, plus adaptée à l’écriture manuscrite. Et c’est également sur du papyrus importé d’ que les Grecs et les Latins vont consigner leur riche littérature.
Rome et le volumen
Collées l’une à l’autre, les nombreuses feuilles de papyrus qui composent une œuvre finissent par former une bande longue de plusieurs mètres, que l’on enroule autour d’un bâton. Les premiers ouvrages ont ainsi la forme insolite de rouleaux, les volumina (au singulier : volumen, d’où le terme « volume »), comme on en trouve alors par centaines de milliers dans les rayons de la plus grande bibliothèque de l’Antiquité, à Alexandrie. Mais le volumen ne survit guère à l’Empire romain.
Peu pratique à manier, car, pour lire, il faut sans cesse le dérouler d’un côté et l’enrouler de l’autre, il est à la fin de l’Antiquité remplacé par le codex : pour la première fois, les feuilles sont pliées et reliées les unes aux autres ce qui permet au lecteur d’accéder directement aux chapitres. La numérotation des pages fut instaurée en même temps que cette révolution. Le livre moderne, dont on feuillette les pages, est né.
Les moines copistes du Moyen Âge
Durant les premiers siècles du Moyen Âge, la pratique de l’écriture recule considérablement : lui-même ne sait signer que d’une simple croix ! Les moines sont presque les seuls à perpétuer cette tradition. Dans les scriptoria (au singulier : scriptorium, les ateliers d’écriture des monastères), ils produisent des livres manuscrits. On écrit désormais sur du parchemin, nettement plus solide que le , puisqu’il est réalisé à partir de peaux d’animaux.
La légende raconte que le parchemin serait apparu pour la première fois au IIe avant Jésus Christ lorsque le pharaon Ptolémée II aurait interdit l’exportation du papyrus vers Pergame car la bibliothèque de la ville rivalisait avec celle d’Alexandrie. Ainsi s’expliquerait l’origine du mot parchemin : littéralement « peau de Pergame ».
Sur ces fines feuilles de chair, les moines recopient des textes religieux et des œuvres de l’Antiquité. Leurs manuscrits, soigneusement calligraphiés, s’enrichissent d’images raffinées peintes par des artistes de talent : les enluminures. Somptueusement reliés, ces livres coûtent si cher qu’ils restent l’apanage de collectionneurs fortunés, clercs ou laïcs.
Et les Chinois firent venir le papier
Après l’an mille, dans les villes occidentales en plein essor, apparaissent des ateliers d'« escrivains » non religieux. Les libraires qui les dirigent essaient de réduire le coût des livres. C’est ainsi qu’au XIIIe siècle, venant de Chine, est introduit le papier en Occident. Les libraires remplacent ainsi le parchemin par celui-ci, nettement moins cher, puisqu’il s’obtient en réduisant en bouillie de vieux chiffons.
La littérature médiévale est tout de même productive. Souvent écrits en latin, certains ouvrages, aujourd’hui encore célébré comme des chefs d’œuvres, notamment la littérature courtoise : Tristan et Iseult, les lais de Marie de France ou les œuvres de Chrétien de Troyes. Si l’impression xylographique (bois gravé), utilisée en Chine depuis le VIIIe siècle arrive seulement en Occident au XIIIe siècle (les premiers exemples d’utilisation de cette technique datent de 1420 environ), les libraires rêvent surtout de percer le secret de ce qu’ils nomment « l’écriture mécanique ».
L'invention de l'imprimerie
Après bien des expérimentations, le premier à parvenir à imprimer un livre est un Allemand, Johannes . En 1450, dans son atelier de Mayence, il met au point le procédé de l’imprimerie : sa presse à bras permet de reproduire, sur papier, la forme de caractères métalliques préalablement encrés. Le premier livre ainsi imprimé, la Bible a quarante deux lignes, dite Bible de Gutenberg parait en 1454.
Plus besoin d’écrire à la main : le gain de temps est phénoménal. Pourtant, les premiers livres imprimés (on les appelle incunables [du latin incunabulum, qui signifie berceau] ceux parus avant 1500), restent longs à produire. Véritable best-seller de l’époque, La Chronique de Nuremberg, publiée en 1493, n’est par exemple tirée qu’à mille huit cents exemplaires. Néanmoins, on estime qu’au total, en Europe, ce sont quinze à vingt millions de livres qui sont imprimés avant 1500, dont plus de trois quarts d’entre eux en latin.
De la révolution industrielle à nos jours
La presse de Gutenberg, améliorée ponctuellement, sera utilisée jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. C’est seulement lorsque la demande du public en livres et en journaux augmente subitement que les inventeurs se voient dans l’obligation de repenser la technique de l’impression.
Au XIXe siècle, celui de la révolution industrielle, les progrès sont fulgurants : l’invention de la machine à fabriquer le papier en continu, puis celles de la presse rotative et de la machine de composition linotype, font exploser la productivité. Le procédé offset, mis au point en 1904 et encore utilisé de nos jours, couronne ce processus : l’imprimerie devient une usine, dans laquelle de gigantesques rouleaux encrent des dizaines de feuilles à la minute. C’est ainsi que, dès 1914, quatre journaux parisiens peuvent tirer à plus d’un million d’exemplaires par jour. L’écriture manuelle a, quant à elle, longtemps résisté à la modernité : on n’aura jamais autant écrit à la main qu’au cours du XXe siècle ! Les manuscrits d’auteur, les actes de notaire, les lettres de particuliers perpétuent sans faiblir la tradition des de l’Antiquité… Mais au tournant du XXIe siècle, l’usage de la plume finit par régresser.
La tablette numérique : l'avenir ?
Peu à peu, qu’il soit manuscrit ou imprimé, le texte sur papier tend à s’effacer devant le caractère immatériel du texte numérique. D’ores et déjà, les tablettes numériques sont équipées de mémoires pouvant contenir plusieurs milliers d’ouvrages. Au Japon ou aux États-Unis, le livre numérique représente déjà près de 10 % du marché du livre.
Ce rapport à la tablette numérique change en profondeur le rapport à l’objet qu’est le livre tel qu’on le connait depuis plus de 500 ans. Lorsque tous les écrits connus tiendront enfin dans un espace infime, ce seront les efforts de tous les scribes, de tous les copistes, de tous les libraires de l’Histoire, qui seront à jamais récompensés…
Un des plus vieux idéaux de l’humanité se trouvera ce jour-là, enfin, à portée de main : tout le savoir à la disposition de tous.