Albert Camus, un homme engagé


Publié le 22/07/2013 • Modifié le 07/05/2024

Temps de lecture : 3 min.

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Camus, journaliste engagé

Dès les articles d’Alger républicain apparaît une des caractéristiques de Camus journaliste : l’aspiration à parler un langage clair. En 1939, il écrit un reportage « Misère de la Kabylie » et couvre en Algérie trois grands procès criminels : l’affaire Hodent, l’affaire el-Okbi et celle des incendiaires d’Auribeau.

A partir de l’automne 1943, Camus participe à Combat clandestin dont il devient, à la Libération, rédacteur en chef. Il pratique un journalisme engagé, exigeant et honnête. Ses articles montrent son implication dans les débats d’après-guerre : échanges avec Mauriac à propos de justice et liberté, ou méditation sur les rapports entre morale et politique. Dans les six derniers articles publiés dans Combat fin 1946, intitulés Ni victimes ni bourreaux, il aborde le problème du meurtre. On en trouve un écho dans la « confession » de Tarrou.

affiche-camus
Affiche meeting de protestation
contre entrée Espagne à l’Unesco, 1952.
© Coll. C. et J. Camus,
Fds A. Camus, Bibl. Méjanes, D. R

Les articles sur l’Algérie en mai 1945 témoignent du même souci d’objectivité que ceux de 1939 et reposent sur une sérieuse enquête de terrain. Camus a toujours eu une haute idée de la profession de journaliste « une des plus belles que je connaisse, justement parce qu’elle vous force à vous juger vous-même », déclare-t-il à Caliban en août 1951.

De mai 1955 à février 1956, il collabore à L’Express. Dans 13 de ses articles, il propose une analyse de la situation en Algérie et esquisse des solutions.

Cependant il faut noter qu’il a vécu trois échecs avec trois quotidiens : Soir Républicain (qui a remplacé Alger républicain) a été interdit ; il quitte Combat, puis L’Express. Sa vision du journalisme ne semble pas correspondre à la réalité.

Contre la peine de mort

Le problème de la peine capitale est au cœur de l’œuvre camusienne et s’appuie sur un souvenir familial raconté pendant son enfance, rapporté dans
Le Premier Homme :

«Le père de Jacques s’était levé dans la nuit et était parti pour assister à la punition exemplaire d’un crime qui, d’après la grand-mère, l’avait indigné. Mais on ne sut jamais ce qui s’était passé. L’exécution avait eu lieu sans incident, apparemment. Mais le père de Jacques était revenu livide, s’était couché, puis levé pour aller vomir plusieurs fois, puis recouché. Il n’avait jamais voulu parler ensuite de ce qu’il avait vu ».

Farouche abolitionniste, Camus interviendra toujours, dans l’ombre ou en pleine lumière pour réclamer la grâce de condamnés à mort, quelle que soit leur nationalité. Cependant, à la Libération, dans sa polémique avec Mauriac, il défend une justice rapide et claire quand ce dernier parle de « charité ». En 1946, il reconnaît que Mauriac avait raison contre lui.

Thème récurrent dans son œuvre, la peine capitale apparaît dans L’Etranger, La Peste, entre autres et donne lieu en 1957 à Réflexions sur la guillotine.

Camus : solitaire et/ou solidaire ?

Camus a réfléchi toute sa vie à la place de l’artiste dans la société et à son engagement, sans être lui-même un écrivain « engagé » au sens sartrien du terme.

J’aime mieux les hommes engagés que les littératures engagées. Du courage dans sa vie et du talent dans ses œuvres, ce n’est déjà pas si mal. Et puis l’écrivain est engagé quand il le veut. Son mérite c’est son mouvement. Et si ça doit devenir une loi, un métier ou une terreur, où est le mérite justement ?

Carnets, Albert Camus.

Même s’il a toujours été tenté de s’isoler du monde pour se consacrer à son art, Camus constate qu’il ne peut se maintenir hors de la mêlée. Dans sa jeunesse, il adhère brièvement au Parti Communiste algérien, s’engage dans la Résistance pendant la Deuxième Guerre mondiale, s’insurge contre les totalitarismes, de droite ou de gauche. Camus ne s’est engagé que dans son art. Il développe sa pensée dans la conférence d’Uppsala le 14 décembre 1957, « L’Artiste et son temps » :

[…] l’artiste, qu’il le veuille ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici plus juste qu’engagé. […] Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la galère de son temps […] L’artiste, comme les autres, doit ramer à son tour, sans mourir, s’il le peut, c’est-à-dire en continuant de vivre et de créer.

Albert Camus, 1957.

Déjà, en 1937, dans une conférence sur la culture méditerranéenne, Albert Camus s’efforce de concilier la solidarité avec son temps et les préoccupations propres à l’artiste. 

  • Les derniers chapitres de L’Homme révolté (1952) précisent les rapports de l’art et de l’histoire : « L’Artiste en prison » montre comment Wilde découvrit, à Reading, la solidarité.

  • « Jonas ou l’artiste au travail » présente une figure intéressante de l’artiste qui ne sait pas vivre en tension entre solitude et solidarité. Incapable de faire la part entre ses obligations envers lui-même et celles qui l’engagent envers les autres, Jonas finit dans la stérilité.
  • « Chaque artiste, sans doute, est à la recherche de sa vérité. S’il est grand, chaque œuvre l’en rapproche ou, du moins, gravite encore plus près de ce centre, soleil enfoui, où tout doit venir brûler un jour. S’il est médiocre, chaque œuvre l’en éloigne et le centre est partout, la lumière se défait. Mais dans sa recherche obstinée, seuls peuvent aider l’artiste ceux qui l’aiment et ceux-là aussi qui, aimant ou créant eux-mêmes, trouvent dans leur passion la mesure de toute passion, et savent alors juger. » (« L’Enigme »). 

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