« La démocratie consiste dans l’exercice, soit direct, soit indirect, du pouvoir par le peuple. Cette organisation politique implique un état social caractérisé par le fait que tous sont égaux devant la loi, que tous possèdent les mêmes droits. Les fonctions sont accessibles à tous, (...) les citoyens devant être appelés à la vie intellectuelle et morale, et de plus en plus mis en état d’exercer, d’une façon efficace et raisonnée, la part de pouvoir qui leur est attribuée, l’Etat démocratique a l’obligation d’instituer des œuvres d’instruction et d’éducation, et des œuvres de solidarité. Le régime démocratique a pour instrument le suffrage universel et pour cadre plus particulièrement approprié la forme républicaine ».
Encyclopédie Larousse du XXe siècle, 1929, T. II p. 760.
Qui proclamerait son admiration et sa préférence pour un régime totalitaire ? Même des mouvements théocratiques en appellent à la démocratie pour obtenir droit de cité dans des contrées ou dans des régimes qui les contestent. Même des partis fascisants ou fascistes estiment avoir pleinement le droit de bénéficier des libertés démocratiques pour s’organiser et s’exprimer publiquement, bien qu’ils soient des ennemis de la démocratie. La plupart disent qu’en démocratie personne ne doit être « diabolisé » mais, au contraire, tout le monde doit pouvoir agir et s’exprimer librement.
Si on n’oppose plus guère « absolutisme » – « théocratie » – « despotisme » – « tyrannie » – « monarchie » à « démocratie », en revanche « dictature » et « dictateur » font retour dans le langage répandu, tandis que recule « totalitarisme » ; le succès de ce vocable en guise de seul et unique antonyme à « démocratie » durant toute la guerre froide dut beaucoup aux écrits de Hannah Arendt1.
Pour clarifier les significations, il faut laisser de côté louanges ou reproches : la seule considération des principes et des notions offre un champ de réflexion suffisamment vaste.
Présentation de l'auteur
Edith Fuchs, normalienne et agrégée de philosophie, est professeur honoraire de philosophie en première supérieure et maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris. Elle fut également, en 2011, de l’Institut de France pour son ouvrage Entre Chiens et Loups. Dérives politiques dans la pensée allemande du XXe siècle, Paris (Le Félin), 2011.
1 Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme. Ce volumineux travail est divisé selon ce qu’Arendt nomme « les trois piliers de l’enfer » : antisémitisme, impérialisme, totalitarisme. La première édition américaine date de 1951. On trouvera une traduction et des commentaires par exemple dans l’édition effectuée sous la direction de Pierre Bouretz, conjointement avec d’autres textes : Arendt. Les Origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem. Paris, Gallimard Quarto, 2002.