Indigènes et Code de l'indigénat (1830-1887)

Au XIX^e siècle, la colonisation est un phénomène majeur de l'expansion européenne. La France, présente d'abord en Algérie, instaure un code de l'indigénat, symbole de la différence de traitement entre les colons et les habitants locaux. Thibault Hycarius retrace la mise en place et les conséquences de cet outil de domination coloniale.

Statut des populations colonisées en débat

Depuis que la colonisation existe, la question du statut des populations autochtones (originaires du territoire où elles habitent) est souvent posée. Comme, par exemple, lors de la controverse de Valladolid, dans les années 1550, dont l’objectif était de fixer le sort des populations natives d’Amérique dans les possessions espagnoles. À cause des mauvais traitements et des maladies, il n’est quasiment resté sur le territoire américain que des colons européens et des esclaves, le plus souvent africains.
Mais, au XIX^e siècle, la situation est différente quand les Européens poursuivent leur colonisation en Afrique ou en Asie. Ils rencontrent des populations très denses, par exemple dans la vallée du Nil, sur le littoral du Maghreb, ou dans l’Extrême-Orient asiatique. Pour eux, il n’est pas question de faire de ces autochtones, des esclaves. En effet, dans la plupart des pays européens, l’esclavage a déjà été aboli depuis longtemps. Il va donc falloir trouver un statut pour ces millions d’hommes et de femmes passés sous le contrôle européen.

Indigènes soumis à un code répressif en Algérie

À partir de 1830, l’Algérie est colonisée par les Français. Comment considérer alors sa population ? Les Algériens ne peuvent pas être des étrangers puisqu’en 1848, trois nouveaux départements ont été créés pour inclure l’Algérie dans le territoire français. Pour autant, si l’Algérie est française, les Algériens ne sont pas des citoyens français. Aux yeux des dirigeants de la Seconde République, puis du second Empire, les autochtones sont trop éloignés des Français métropolitains, que ce soit sur le plan économique, culturel ou religieux…
En 1865, une sorte de compromis est trouvée : les Algériens auront la nationalité française, mais pas la citoyenneté, qui va normalement avec. Qu'est-ce que cela signifie ? Les Alégriens sont des « sujets français », avec des lois spécifiques. Par exemple, les règles des différentes religions continuent à avoir une valeur officielle. L’idée est de maintenir au maximum la paix avec les populations. En revanche, ces sujets n'ont pas les droits des Français métropolitains, et ne sont clairement pas considérés comme leurs égaux. L’objectif premier des autorités administratives est, avant tout, de maintenir l’ordre colonial. Les populations soumises à ce qu’on appelle le « Code de l'indigénat » subissent donc un régime particulièrement répressif.

1887 : le Code de l'indigénat généralisé à toutes les colonies françaises

La Troisième République, qui débute en France en 1870, n'est pas plus sensible au sujet des populations autochtones. Les administrateurs coloniaux peuvent décider d'une peine de prison, d'une amende, d'une confiscation de biens sans le moindre procès pour tous ceux qui créeraient un peu trop de « désordre ». Et bien sûr, pas d'expression politique autorisée contre la France et son gouvernement. Les inégalités sont maintenues : les indigènes doivent exécuter des services de patrouilles et de garde, fournir aux agents de l'État les aides et les matériels qu'on leur demande. Ces mesures peuvent même aller jusqu'à un système de travaux forcés qui réquisitionne les hommes adultes lors de grands chantiers, comme la création d'un chemin de fer, d'un barrage ou l'entretien d'une route. Avec la mortalité que l’on imagine sur ce genre de travaux...
En 1887 : le « Code de l'indigénat », jusque-là réservé à l’Algérie, est étendu à l’ensemble de l’empire colonial français, hormis quelques exceptions. Et même, si avec le temps, il est de moins en moins appliqué, ce n’est que dans les années 1944-1946, quand s'amorcent lentement des évolutions qui mènent à la décolonisation, que ce système disparaît, avec la reconnaissance de la citoyenneté française aux habitants des colonies.

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