Empires et rivalités coloniales : la crise de Fachoda (1898)

À la fin du XIX^e siècle, la colonisation du continent africain est source de tensions entre les puissances européennes. Au sud du Soudan, à Fachoda, un nouveau conflit entre la France et le Royaume-Uni est évité de peu. Thibault Hycarius revient sur le contexte et les conséquences de cette crise diplomatique, et met en lumière l'importance de cet évènement à l'approche de la Première Guerre mondiale 💡.

Expansion de la colonisation de l'Afrique par les Européens

Dans le dernier quart du XIX^e siècle, les nations européennes sont à la recherche de nouvelles terres pour accroître leur puissance. Après l’Amérique au XVI^e siècle, une partie de l’Afrique au début du XIX^e, l’Asie du Sud-Est dans les années 1860. Les pays de l'intérieur du continent africain sont au cœur des objectifs de conquête coloniale. Pour éviter de déclencher des conflits entre elles, les 14 principales puissances coloniales se réunissent en 1885, à la conférence de Berlin, pour fixer un certain nombre de règles. Notamment, celle, pour un pays qui veut poursuivre la colonisation, de partir d’un littoral et de s’enfoncer vers l’intérieur du continent en suivant une ligne droite.

• La France, implantée depuis longtemps au Sénégal, va, au début des années 1890, suivre un axe ouest-est en occupant la Casamance, la Guinée et la Côte d’Ivoire pour constituer l’Afrique occidentale française. L’idée est de rejoindre d’autres territoires déjà colonisés à l’est de l’Afrique : la côte des Somalis et le port de Djibouti.
• Les Britanniques, eux, prennent le contrôle de l’Égypte,en 1882. Puis du Soudan, avec la ferme intention de remonter le Nil sur un axe nord-sud avec, comme objectif final, l’Afrique du Sud.

Crise de Fachoda : un litige colonial au Soudan entre la France et le Royaume-Uni

Au croisement des axes coloniaux français et britannique, une zone géographique sensible apparaît au sud du Soudan. Le 10 juillet 1898, le capitaine Marchand, de l’armée française, arrive à Fachoda, un petit poste militaire soudanais. Avec ses 166 hommes, il s'approprie le site, le fortifie et le rebaptise « Fort Saint-Louis ». Mais, le 19 septembre 1898, lord Kitchener, un général britannique, commandant en chef de l’armée d’Égypte, gouverneur du Soudan, atteint également Fachoda, avec ses 20 000 hommes. Pour déterminer à qui appartiendra finalement cette région, les deux militaires font, chacun, remonter la question à leur gouvernement. Pourquoi cette zone suscite-t-elle tant de convoitises pour la France et le Royaume-Uni ?

• Fachoda est un emplacement stratégique, point de contrôle du Haut-Nil.
• La question coloniale, à la fin du XIX^e siècle, est une affaire de fierté nationale.

Apaisement de la rivalité franco-britannique pour faire face à l'Empire allemand

Lord Salisbury, le Premier ministre anglais également ministre des affaires étrangères, ne fait aucun compromis : si les Français ne quittent pas Fachoda, ce sera la guerre. Face à lui, le ministre des affaires étrangères français, Théophile Delcassé, se rend à l'évidence que la France n'a ni les moyens de se battre (166 soldats français contre 20 000 anglais !), ni l'envie. En effet, la France ne souhaite pas entrer en conflit avec la Grande-Bretagne car elle sait qu’en cas de guerre, le véritable vainqueur serait l'Empire allemand. Cette dernière se ferait une joie de voir deux grandes puissances européennes s’affaiblir mutuellement. C'est aussi une manière de conserver la Grande-Bretagne comme un allié, et non un ennemi.

Le 11 décembre 1898, le capitaine Marchand et sa troupe se retirent de Fachoda. Cette preuve de bonne volonté française aura des conséquences diplomatiques positives :

• Les relations avec le Royaume-Uni s'améliorent.
• La suite de la colonisation de l'Afrique se déroule selon le plan des Européens : les Anglais laissent notamment le Maroc à la France.

Ainsi, en 1904, la France et le Royaume-Uni, deux grandes puissances historiquement ennemies, signent une série d’accords regroupés sous le nom d’Entente cordiale. En 1907, la Russie rejoint cette alliance qui prend alors le nom de Triple-Entente. Le rôle de cette dernière sera décisif au début de la Première Guerre mondiale.

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