Victor Hugo entre au Panthéon : une cérémonie pour renforcer la République (1885)

En 1885, quelques jours après son décès, Victor Hugo entre au Panthéon. Plus de deux millions de personnes viennent lui rendre un dernier hommage. Ce jour-là, le Panthéon quitte son statut d’église et devient le temple laïque des grands hommes et grandes femmes. Thibault Hycarius retrace pour toi les coulisses de ce grand évènement de l'histoire de la III^e République 👇.

Histoire du Panthéon

Le 4 avril 1791, ce monument de Paris tout juste construit voit son destin changer. Alors qu'il se destinait à devenir la future Église Saint-Geneviève, l’Assemblée nationale constituante décrète qu'il servirait de tombeau aux personnalités exceptionnelles ayant contribué à la grandeur de la France. 

« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante. »

Cette formule est inscrite sur le fronton du monument qui prend le nom de Panthéon.

• Les premiers défunts illustres à y être inhumés sont, en toute logique, des révolutionnaires tels que Mirabeau et Marat, mais aussi des auteurs et penseurs des Lumières, comme Voltaire, Jean-Jacques Rousseau.
• Entre 1791 et 1829, une cinquantaine de personnalités, dont une bonne moitié de militaires, sont transférées au Panthéon.
• Après 1829, plus aucune entrée au Panthéon n'a lieu. La France connaît différents régimes politiques : la monarchie de Juillet, la Deuxième République, le Second Empire.
• En 1870, les temps changent avec la III^e République qui cherche à s'enraciner de manière durable à travers une série de symboles (la Marseillaise, l'hymne national...) destinés à l'incarner.
• En 1881, une loi est votée pour réactiver le lieu du Panthéon, mais le Sénat en bloque l’application.  
• Le 22 mai 1885, une disparition majeure vient accélérer les choses : le grand écrivain Victor Hugo, chef de file du romantisme, et homme politique, meurt à 83 ans.

Pourquoi Victor Hugo a-t-il sa place au Panthéon ?

Lors de son décès, Victor Hugo incarne une « gloire nationale ». Il a non seulement bouleversé la poésie avec Les Contemplations, révolutionné le théâtre avec Hernani, créé des personnages inoubliables dans le roman Notre-Dame de Paris (Quasimodo, Esmeralda...) ou dans Les Misérables (Jean Valjean, Cosette…). Mais Hugo a également vécu une véritable carrière politique. Monarchiste au début de sa vie, il a progressivement glissé vers l’idéal républicain en défendant des causes aussi nobles que la liberté, la fin du travail des enfants, l’abolition de l'esclavage, les droits des femmes, la lutte contre l'exploitation des travailleurs, l’abolition de la peine de mort, etc. Victor Hugo ne s’est pas contenté d’avoir des idées et de les exprimer, il a été parlementaire sous les II^e et III^e Républiques. Il a aussi incarné la résistance à Napoléon III, qu’il surnommait « Napoléon le petit », en décidant de s’exiler durant 19 ans, pendant tout le Second Empire, avec de rentrer en France en 1870.

Les obsèques nationales de Victor Hugo, icône républicaine

Victor Hugo est un auteur célèbre, mais il est aussi une icône républicaine. La Chambre des députés lui vote des obsèques nationales et expose durant toute une nuit son cercueil sous l'Arc de Triomphe. Le lendemain, le 1^er juin 1885, le cortège qui accompagne son cercueil se lance dans une marche qui va durer 6 heures. Il quitte l’Arc de Triomphe, passe par les Champs-Élysées, se rend place de la Concorde, avant d’arriver au Panthéon. Étirée sur plusieurs kilomètres, la foule qui assiste à l'événement, dépasse les 2 millions de personnes ! On avait rarement vu des obsèques d’une telle ampleur ! Pour le gouvernement, le pari est gagné. Ce jour de funérailles est devenu une immense fête populaire et républicaine qui bénéficie de l'aura colossale qu’avait Victor Hugo auprès des Français, et du reste du monde. Dans une forme de concurrence symbolique avec l'Église catholique, les républicains ont réussi ce tour de force d'accomplir une gigantesque messe sans le moindre dieu mais à la gloire de l'un des leurs ! 

► Depuis, le Panthéon a accueilli de nombreux grands hommes et femmes qui ont incarné les idéaux de la République. Parmi les dernières personnalités à y être entrées : Simone Veil et son mari Antoine, Joséphine Baker, les résistants Missak et Mélinée Manouchian.

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