1864 : le droit de grève et le monde ouvrier

💡 Le sais-tu ? C'est sous le Second Empire que le droit de grève devient légal en France, le 25 mai 1864. Thibault Hycarius retrace l'histoire de cette revendication sociale de la classe ouvrière qui, depuis la Révolution française, restait interdite et réprimée.

Les corporations interdites depuis la Révolution française

Au Moyen Âge, les différents métiers sont encadrés par des corporations. Il y a celle des tisserands, celle des orfèvres, celle des bouchers, etc. Ces corporations sont organisées sous l’autorité des maîtres qui dirigent des équipes de compagnons et forment des apprentis, le tout dans le respect d'un règlement souvent très très strict. Ce fonctionnement se poursuit durant des siècles, mais à la fin du XVIII^e, tout change avec la Révolution française... Pour les révolutionnaires, ce système qui oblige celui qui veut exercer un métier à faire partie d’une corporation, est une atteinte à la liberté individuelle. De plus, les règlements inflexibles de ces organisations sont perçus comme des entraves au progrès puisqu’ils découragent toute initiative et toute innovation.

► Résultat : en mars 1791, le décret d'Allarde supprime les corporations.

Illégalité de la grève et des syndicats

Pour autant, la liberté n'est pas totale dans le monde professionnel. Quelques mois plus tard, en juin 1791, le délit de coalition est institué par la loi Le Chapelier. Ici, ce qu’on appelle coalition est un ensemble de personnes qui ferait pression, par exemple pour une hausse des salaires ou pour une baisse.
► Autrement dit, la loi interdit à la fois les groupements d’ouvrierset de paysans mais aussi ceux de patrons.
Pour être précis, la loi punit : « Toutes tentatives des gens de même métier de se réunir pour discuter de leurs intérêts, de refuser de concert ou de n'accorder qu'à un prix déterminé, le secours de leur industrie et de leurs travaux».
► Concrètement, ça signifie qu’il est illégal, pour les ouvriers, de faire grève et même de se syndiquer. Là encore, la liberté individuelle passe avant tout.

Et la situation des ouvriers va encore s’aggraver en 1803. Le Premier consul Napoléon Bonaparte oblige chaque travailleur à détenir un livret qui le suit dans ses emplois successifs, que chaque patron doit remplir et que l’ouvrier doit présenter en cas de contrôle. Cette réglementation perdure durant la Restauration (1814-1830), la monarchie de Juillet (1830-1848), la Deuxième République (1848-1851), jusqu'au Second Empire.

Napoléon III et la loi Ollivier de 1864

Au milieu du XIX^e siècle, les ouvriers prennent collectivement conscience de l'injustice et la pénibilité de leurs conditions de travail. S’ils sont des éléments essentiels de la révolution industrielle, ce sont eux qui s’épuisent dans les mines, les usines et les ateliers. Et c’est majoritairement la bourgeoisie qui en récolte les bénéfices. Au pouvoir, Napoléon III, dirigeant du second Empire et soucieux d'être un souverain proche du peuple, rêve d’un véritable rapprochement avec les ouvriers : c’est la période que l’on nomme « l’Empire libéral ». Napoléon III décide alors d'assouplir la loi concernant les travailleurs. Pour lui, le meilleur moyen d'apaiser les tensions et d'accélérer la modernisation de la France, est d'autoriser les groupements de travailleurs et les groupements d’employeurs afin qu'ils négocient ensemble. 
► Ainsi, en mai 1864, le député Émile Ollivier, républicain proche de l'empereur, fait voter une loi qui supprime le délit de coalition et met donc fin à l’interdiction des corporations, du compagnonnage et des rassemblements ouvriers. Par la même occasion, elle restaure aussi le droit de grève. À certaines conditions. Il ne doit pas provoquer de troubles à l'ordre public, de violences ou d'actions qui empêcheraient les travailleurs non grévistes de poursuivre le travail.
💡 Au final, le droit de grève - essentiel pour que les ouvriers puissent exprimer leurs revendications -, n'a pas été autorisé en France par une république, mais par un empire !

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